Mouvement

La performance à l’épreuve des images

Les Inaccoutumés à la Ménagerie de Verre

date de publication : 15/12/2009 // 6030 signes

Des fidèles (Alain Buffard, Claudia Triozzi), des nouveaux venus (Gérald Kurdian, Bettina Atala), de la danse, de la performance, du cinéma, de la vidéo, de la chanson… : retour sur les dix « objets chorégraphiques contemporains » de cette nouvelle édition des Inaccoutumés à la Ménagerie de Verre, où se brouillent les frontières entre performance et expérience.

Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va, en montrant des œuvres qui ont marqué l’histoire de la performance, comme Park, pièce de 1998 de Claudia Triozzi, pour mettre en perspective les créations actuelles (1999 de Gérald Kurdian, Retrospective Exhibitionistde Miguel Gutierrez, ou Souffles I de Vincent Dupont). Telle semble être l’intention de départ de cette programmation 2009 des Inaccoutumés, concoctée, comme toujours depuis quinze ans, par Marie-Thérèse Allier, directrice de la Ménagerie de Verre. Cette année plus encore, les Inaccoutumés s’attachent à remettre en question la notion de discipline, grâce notamment à l’irruption de l’image en mouvement dans le champ chorégraphique, comme en témoignent plusieurs pièces où interviennent le cinéma ou la vidéo.

Cinématographies

Dans cet espace si particulier qu’est la Ménagerie de Verre, la salle principale, dont le bas plafond délimite une vision en cinémascope et dont la profondeur permet les plans successifs, instaure une intimité particulière avec le spectateur. Là, le 100% polyester, objet dansant n°49 de Christian Rizzo, pièce désormais « historique » de 1999 pour robes-fantômes virevoltantes, prend, par son clair-obscur dramaturgique (dû à Caty Olive) et son travelling arrière, une dimension cinématographique.

Dans la projection commentée du film saison 1, épisode 2 de Phoenix Atala, la salle devient un cinéma. Devant l’écran qui barre la scène, le réalisateur décortique les procédés filmiques (montage, répétitions, raccords) dans une poïétique systématique qui va jusqu’à l’épuisement. Cinéma et performance sont mêlés mais restent imperméables l’un à l’autre, jusqu’à ce que, miracle !, le réel, sous la forme de danseurs folkloriques aperçus plus tôt dans le film, fasse irruption en « crevant l’écran » : comme dans La Rose pourpre du Caire de Woody Allen, la fiction rejoint la réalité, sans retour en arrière possible, dans une sorte d’épiphanie, d’incarnation miraculeuse. On reste ébahi devant cette apparition, au point qu’elle oblitère dans le souvenir l’œuvre filmée présentée et sa démarche à la fois drôle et conceptuelle de déstructuration du cinéma.